Accueil La fiscalité de l’innovation à l’épreuve de la Loi de Finances 2025
Retour sur notre table ronde sur l'impact de la loi de finances 2025 sur le CIR
Interview de Solenne Desprez Braun
Solenne, tu es directrice juridique et fiscale chez F.initiatives depuis 10 ans. Tu as organisé deux évènements en lien avec le Crédit d’Impôt Recherche (CIR) et tu travailles activement à la défense de la fiscalité de l’innovation.

Peux-tu nous rappeler le contexte de cette table ronde et les enjeux soulevés par la loi de finances 2025 pour le CIR ?

Solenne : « Cette table ronde s’inscrit dans le cadre d’un cycle qui constitue à s’interroger sur le CIR. Le 25 septembre 2024, nous avions publié notre livre blanc 1983-2023, Retour sur 40 années d’investissement et organisé notamment une table ronde autour de la question : Quel avenir pour le CIR, ce dispositif controversé ? Au regard de la loi de finances 2025, le CIR a été modifié sur cinq postes de dépenses et le Crédit d’Impôt Innovation (CII) a vu son taux réduit. Dans ces circonstances, il nous semblait intéressant d’entendre des décideurs politiques et experts du sujet sur les conséquences de cette réforme, mais également sur les projections pour le PLF 2026. »
Le statut “jeune docteur” a suscité beaucoup de réactions : en quoi les évolutions proposées dans la loi de finances 2025 changent-elles la donne pour les entreprises ?
Solenne : « Les conséquences sont au niveau de l’entreprise mais aussi au niveau des docteurs qui se retrouvent à perdre en attractivité car ce gain fiscal leur permettait de trouver plus facilement et à meilleur salaire un poste. F.initiatives est un membre actif du collectif JDCIR qui a justement répertorié les conséquences dans une étude que l’on peut retrouver sur le site de l’Andès : Collectif JD CIR – Association Nationale des Docteurs.
Pour répondre plus précisément à la question, une entreprise qui recrute un doctorant ayant finalisé récemment sa thèse pourra toujours le prendre en compte dans son assiette de CIR, au même titre que n’importe quel autre chercheur, là où le statut de jeune docteur permettait à l’entreprise de bénéficier d’un avantage fiscal supplémentaire sur ce type de profil, pendant deux années. »

Suite à l’impact de la loi de finances 2025 sur les frais de fonctionnement, y a-t-il eu un consensus parmi les intervenants sur la manière dont les entreprises doivent s’adapter ?

Solenne : « Deux de nos intervenants qui se sont exprimés sur le sujet ont estimé que le régime des frais réels était à proscrire. J’avais pour ma part interpellé les intervenants à ce sujet en ma qualité de présidente de la table ronde, car il appert de plusieurs études que le taux diffère selon le type d’activité et je souhaitais avoir le regard de l’économiste. Effectivement, si un effet d’aubaine peut être constaté sur certaines industries, il ressort de la table ronde que la simplification doit primer et qu’un taux moyen de 50% semblait plus approprié. »
Les frais liés aux brevets évoluent aussi dans la loi de finances 2025. Penses-tu que ces changements pourraient avoir un effet dissuasif ou incitatif sur le dépôt de brevets ?
Solenne : « Il n’est pas possible qu’il y’ait d’effet incitatif puisque le poste de dépenses est carrément supprimé. En revanche, une entreprise ayant un intérêt à déposer un brevet continuera à le faire car ses intérêts sont tout autre. Cette décision démontre un manque de culture de l’innovation, ce que le président de la CNCPI, Emmanuel Potdevin a parfaitement expliqué. Nous pourrions donc parler d’un effet dissuasif pour les entreprises ayant peu de capacité d’auto-financement et qui – de fait – sont mises en péril par cette réforme. »

La suppression du poste de veille technologique te paraît-elle comme acceptée par l’ensemble de l’écosystème ?

Solenne : « Le poste de dépense de veille technologique était plafonné à 60 000 euros. En ce sens, il ne représentait qu’une part infime de l’enveloppe de certaines entreprises. Le débat autour de la veille technologique est plutôt intellectuel. Au sein de notre addendum, l’ancien Ministre Jean-François Copé, à l’origine de la réforme de 2008, rappelle qu’il avait souhaité une réforme qui prend en compte la chaîne globale de l’innovation. Or, tout projet de R&D débute avec un état de l’art, finalement, la veille technologique est préliminaire à toute opération de R&D. »
Concernant les subventions, comment la loi de finances 2025 prévoit-elle de nouveaux mécanismes ou ajustements en lien avec les déclarations de CIR ?
Solenne : « Le gouvernement a souhaité apporter une définition de la subvention, qui doit être déduite de l’assiette du CIR pour éviter un double financement public. Cette précision vient cependant poser en pratique un certain nombre de questions. Nous espérons que la doctrine y répondra rapidement. »

Quelles sont, selon toi, les grandes leçons à retenir de cette table ronde ?

Solenne : « Qu’une réforme s’anticipe, se prépare et ne doit jamais se faire sans avoir jauger les effets. Naturellement, le contexte exceptionnel du vote de cette loi explique cette précipitation pour avoir un budget. Cependant, compte tenu des conséquences pointé du doigt par l’ensemble de l’écosystème, nous appelons de nos vœux une étude claire et objective sur les effets du CIR sur les bénéficiaires. »
Quelles sont les prochaines actions de suivi ou de sensibilisation prévues par F.initiatives dans les mois à venir ?
Solenne : « J’interviens lors d’une table ronde le jeudi 10 juillet « PLF et innovation : Réindustrialiser par l’innovation, un défi budgétaire » organisé par l’ANRT, le MEDEF et le comité Richelieu pour continuer à sensibiliser nos décideurs. Nous continuerons également nos rendez-vous institutionnels. »
Pour voir et revoir notre évènement du 25 juin 2025
Autour de cette table ronde concernant l’impact de la Loi de Finances 2025 sur le CIR nous avons eu le plaisir de recevoir :
- Clarisse Angelier, déléguée générale de l’ANRT – Association Nationale de la Recherche et de la Technologie,
- Le Sénateur Vanina PAOLI-GAGIN,
- L’avocate Catherine de Manneville,
- L’économiste Vincent Aussilloux,
- Emmanuel Potdevin, président de la CNCPI – Compagnie Nationale des Conseils en Propriété Industrielle,
- Thibault Cazes, notre directeur technique.
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