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Flash Fiscal - Novembre 2024
Retrouvez votre dose mensuelle d’actualité fiscale du financement de l’innovation avec l’analyse de la jurisprudence du mois de novembre 2024 par les experts F.initiatives.
Restitution du CIR et intérêts moratoires
Tribunal administratif de Versailles, 7éme chambre, 10 octobre 2024, Acofi Gestion, 2203048
La décision
Le 16 novembre 2016, le CERITD a cédé trois créances à un fonds de titrisation géré par la Société Acofi Gestion (puis, Sienna AM) et a notifié cette cession à l’Administration le même jour. Le CERITD a ensuite demandé la restitution des créances cédées, mais cette demande a été refusée en février 2017.
En décembre 2017, la Société Acofi Gestion a demandé à son tour la restitution des créances, ce qui lui a été accordé en février 2018. En mars 2018, la Société a réclamé les intérêts moratoires, mais cette réclamation a été rejetée en août 2019.
L'analyse F.initiatives
Le TA a rappelé que l’article L208 du Livre des Procédures Fiscales (LPF) permet d’imposer à l’Administration le paiement des intérêts moratoires en cas de remboursement de créance de Crédit d’Impôt Recherche (CIR) intervenant après un rejet explicite ou implicite de la demande de remboursement.
Le TA a jugé que la demande de restitution du CIR constitue une réclamation et que le retard de traitement ouvre droit au versement d’intérêts moratoires. De plus, le TA a considéré que la date à retenir pour le calcul des intérêts moratoires est celle de la demande initiale du contribuable, et non celle de la société cessionnaire des créances.
La bonne pratique F.initiatives
Cette jurisprudence précise que la société cessionnaire et le cédant ont qualité à agir pour obtenir le remboursement des créances. Lorsqu’une entreprise cède sa créance, elle conserve son droit à agir pour obtenir le remboursement de la créance, mais ne sera pas bénéficiaire du remboursement.
Les entreprises doivent veiller à notifier rapidement leurs cessions de créances et à suivre de près les délais de traitement de leurs demandes de restitution pour garantir leurs droits au versement d’intérêts moratoires en cas de retard.
CII et consultation d'un expert
Tribunal administratif d’Orléans, 3ème chambre, 11 octobre 2024, Stelog, 2203073
La décision
La Société Stelog a demandé le remboursement de son Crédit d’Impôt Innovation (CII) pour un projet de développement d’une application mobile innovante destinée à la gestion des entreprises de logistique.
Après le rapport d’expertise l’Administration a refusé cette demande, estimant que les dépenses engagées n’étaient pas éligibles car il existait déjà des produits similaires sur le marché.
La Société soutient que le rapport d’expertise n’est pas suffisamment motivé et que son projet répond aux conditions pour bénéficier du CII. Le Tribunal Administratif (TA) d’Orléans a statué en faveur de la Société Stelog, considérant que le projet présentait des fonctionnalités supplémentaires et des améliorations substantielles par rapport aux solutions existantes, justifiant ainsi le remboursement du CII.
L'analyse F.initiatives
Le TA relève que l’expert consulté par l’Administration s’était principalement concentré sur le mode déconnecté de l’application et la synchronisation des données, concluant que des solutions similaires existaient déjà sur le marché. Ainsi, l’expert n’avait pas pris en compte six autres fonctionnalités innovantes mises en avant par la Société Stelog.
En comparant ces fonctionnalités avec celles des produits concurrents, le TA a constaté que le projet de Stelog offrait trois fonctionnalités supplémentaires, améliorant de manière significative les solutions existantes.
Le TA a donc relevé que ce projet devait être considéré comme un prototype se distinguant des produits existants par des performances supérieures. À ce titre la Société est fondée à demander la restitution de son CII.
La bonne pratique F.initiatives
Les entreprises doivent s’assurer que toutes les fonctionnalités innovantes de leurs projets sont clairement mises en avant et documentées, afin de démontrer leur caractère novateur et leur valeur ajoutée.
De plus, il est nécessaire de contester les évaluations d’experts si elles ne prennent pas en compte l’ensemble des aspects innovants du projet : l’expert doit prendre en compte toutes les fonctionnalités mises en avant par la Société, pas seulement le mode déconnecté et la synchronisation des données.
DOM-TOM et sous-traitance du CIR
Tribunal administratif de La Réunion, 1ère chambre, 15 octobre 2024, SASU Millet Travaux Océan Indien, 2200950
La décision
La SASU Millet Travaux Océan Indien a demandé la restitution de son Crédit d’Impôt Recherche (CIR) pour les dépenses engagées au cours de l’année 2017, pour lesquelles elle avait bénéficié d’un taux de 50%.
En 2022, sa demande a été partiellement acceptée. Les dépenses de personnel situé en métropole et les dépenses de fonctionnement afférentes ne pouvaient bénéficier du taux de 50% car elles n’étaient pas rattachables à une exploitation située à La Réunion. Le taux de 30% a donc été appliqué.
La Société soutient que le personnel en cause, bien que situé en métropole, a été mis à disposition pour la réalisation des travaux localisés à la Réunion.
L'analyse F.initiatives
Le TA a relevé que les six salariés en cause travaillaient pour les sociétés Groupe Millet Industrie et Millet Portes et Fenêtres, toutes deux localisées en métropole.
Bien que la Société dispose de bureaux d’étude en métropole pour le développement de ses activités, le fait que ces dépenses soient refacturées à La Réunion pour les activités de recherche n’a pas d’incidence sur le taux applicable. En effet, le personnel n’effectuait pas les travaux de recherche dans les locaux et avec les moyens de la Société à La Réunion. Par conséquent, le taux de 30% a été jugé applicable.
La bonne pratique F.initiatives
Pour bénéficier du taux de 50% du CIR, les travaux de recherche doivent être réalisés directement dans les locaux et avec les moyens de la société située en DOM-TOM.
Si les travaux sont effectués par des salariés rattachés à des sociétés en métropole et refacturés à une société en DOM-TOM, le taux applicable sera de 30%. Il est donc nécessaire pour les entreprises de s’assurer que les dépenses de recherche sont bien rattachées à une exploitation située en DOM-TOM pour bénéficier du taux majoré.
CIR et personnel éligible
CAA de VERSAILLES, 1ère chambre, 15/10/2024, SAS Adéquation MR, 22VE01480
La décision
La SAS Adéquation MR a fait l’objet d’une vérification de comptabilité au titre des années 2015 à 2017. Les CIR des années 2014, 2015 et 2016 ont été remis en cause. La Société considère que ces projets doivent être considérés comme éligibles (trois sur quatre sont considérés comme non éligibles). Sur son projet de 2016, le seul reconnu éligible (pour lequel elle a obtenu un dégrèvement de l’Administration), elle considère que l’Administration ne reconnaît pas à tort le statut de chercheur ou technicien de recherche aux salariés en cause.
La Cour administrative d’appel (CAA) de Versailles a rejeté les arguments de la SAS Adéquation MR concernant l’éligibilité de certains projets. La CAA a estimé que les justifications fournies par la Société étaient imprécises et ne répondaient pas aux critères requis pour prouver l’éligibilité des projets. De plus, l’Administration n’a pas reconnu le statut de chercheur (Mme E et Mme B) ou de technicien de recherche (Mme C) aux salariés concernés, malgré les diplômes et états de service présentés par la Société.
L'analyse F.initiatives
La CAA relève que la Société se borne à présenter son dossier justificatif pour justifier de l’éligibilité des projets en cause, alors que ce dernier ne contient que des considérations imprécises quant aux objectifs poursuivis, aux incertitudes scientifiques et aux verrous technologiques identifiés comme devant être levés.
Dans son dégrèvement, l’Administration ne prend pas position sur le statut de Mme E et Mme B comme chercheurs et Mme C comme technicien de recherche. Même si la Société se prévaut des diplômes et des états de service, elle ne respecte pas les conditions posées par la loi pour justifier du statut de chercheur ou de technicien de recherche.
Enfin, concernant les dépenses de veille technologique, au regard de ce qui précède, il n’y a pas lieu de considérer les heures passées par Mme E et Mme B au congrès comme des heures se rattachant à la réalisation d’opérations de recherche.
La bonne pratique F.initiatives
L’absence de consensus scientifique ne suffit pas à caractériser les incertitudes scientifiques pouvant légitimer que les recherches soient éligibles au CIR.
Pour éviter de telles situations, l’entreprise se doit de préparer des dossiers justificatifs détaillés et précis, démontrant clairement les objectifs, les incertitudes scientifiques et les verrous technologiques des projets. Il est également important de s’assurer que les salariés impliqués dans les projets de recherche répondent aux critères légaux pour être reconnus comme chercheurs ou techniciens de recherche. Enfin, les dépenses de veille technologique doivent être clairement rattachées à des opérations de recherche pour être éligibles au CIR.
Etat de l'art et verrous précis
Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, 5ème Chambre, 14 novembre 2024, 2107770
La décision
La société est rejetée sur sa déclaration car elle n’a pas su démontrer les verrous caractéristiques de la R&D.
L'analyse F.initiatives
La société arguait que l’état de l’art n’était pas disponible car portant sur un sujet confidentiel. Dès lors, elle s’appuyait sur le fait qu’elle assure réaliser de la R&D, et demande à l’administration de démontrer que ce n’en est pas.
L’administration et le tribunal renversent cet argument : c’est à la société de produire l’état de l’art et de démonter l’existence des verrous, et donc le caractère R&D et éligible.
La bonne pratique F.initiatives
L’état de l’art est un pan essentiel de la justification de la déclaration CIR. C’est bien à la société de démontrer le caractère éligible.
Retrouvez à ce sujet notre article sur la constitution de l’état de l’art.